Interview Exclusive de Miss.Tic

Miss.Tic: «Il manque un marché
dynamique du street art en France»


Miss.Tic Autoportrait


INTERVIEW - L'artiste Miss.Tic revient sur 23 ans de carrière

Un des axes de votre travail est le désir. Considérez-vous que la rue est un réceptacle privilégié?

Oui, la rue est un endroit de passage dans lequel beaucoup de choses s’expriment. Il n’y a pas que le désir, il y a aussi la violence, la gentillesse, la convivialité… On pourrait prendre tous les mots du dictionnaire. Moi j’ai envie de parler du désir. Après, chacun reçoit mes dessins comme il le veut. Pour certains c’est rafraîchissant, pour d’autres c’est léger ou agaçant. La rue permet de se donner à voir. A mes débuts, sortir dans la rue a été une façon d’aller à la rencontre d’un public de quidams et de professionnels.

Plusieurs de vos écrits font référence au temps qui passe. Est-ce une peur chez vous ?


Pas du tout, c’est juste une réalité. Je travaille depuis presque 25 ans, je réfléchis donc sur mon travail et la manière dont le temps qui passe l’influence. La partie émergée de mon travail, celle que je mets dans la rue, est éphémère et je l’accepte parce que la ville bouge, les dessins peuvent être effacés ou abîmés par les intempéries. Mais le travail en amont, les mots et les dessins élaborés dans mon atelier, me sont propres. Ils aboutissent à des tableaux qui sont pérennes puis à des livres et des expositions, qui sont du domaine de la transmission.

Vous flirtez également avec la politique...

Depuis 1988, à chaque élection présidentielle, j’interviens avec une campagne «Miss.Tic présidente». A la prochaine, en 2012, j’en aurais connu autant qu’Arlette Laguiller! J’aime détourner les slogans et mettre mon grain de sel, comme les caricaturistes de presse. En 2007, le ministère du Logement m’a demandée de réaliser une œuvre. J’ai accepté parce que le logement est une problématique qui m’intéresse, que j’ai connu la précarité et que j’ai des amis qui le sont. J’ai eu envie de parler logement de façon citoyenne, par pour faire la publicité de Christine Boutin.

La semaine dernière, une œuvre de Banksy a été retirée des murs de Londres pour envoyer un message à l’adresse de tous les taggeurs. L’art de rue (street art) est-il toujours mal vu?
Oui, car on est dans la propriété publique régie par des articles de loi précis. Le fait d’écrire ou de dessiner sur les murs reste mal vu par la police et par les magistrats. Par nature, c’est hors-la-loi. Même en tant qu’artiste, si vous n’avez pas demandé les autorisations, c’est interdit. Après, on peut transgresser en demandant des autorisations, ce que je fais depuis ma condamnation (pour dégradation, ndlr) en 2000.

25 ans après l’arrivée de l’art de rue en France, quel bilan peut-on tirer ?


On va se rendre compte que c’est un vrai mouvement avec des professionnels qui ont développé leurs propres codes et écritures. Pour moi, il s’agit du dernier mouvement vivant. Mais la France a toujours un métro de retard. Alors qu’il existe au Royaume-Uni et aux Etats-Unis une vraie effervescence autour de l’art de rue, il n’y a pas de marché dynamique ici. Il manque aussi des collectionneurs, encore frileux, qui préfèrent opter pour les valeurs refuges comme les œuvres anciennes. Acheter du street art est une forme de prise de risque, et ça, ce n’est pas français.

La séquence de Miss.Tic

Quand on lui demande quelle scène de cinéma Miss.Tic aurait voulu tourner, voilà ce qu'elle nous répond :



Source : Propos recueillis par Sandrine Cochard pour 20 minutes